Emmitouflés sous quatre couches de pull-over et une chaude parka, Raad et Wissam, 33 et 27 ans, accrochent des banderoles, montent des abris et donnent un coup de main là où les envoient les organisateurs de l'épreuve française de Coupe du monde de combiné de Chaux-Neuve qui s'est tenu ce week-end. "Pour nous, c'est un honneur, on veut participer aux joies et aux peines des gens qui nous ont accueillis ici et c'est le moyen de dire merci à la France, de rendre un peu de ce qu'on nous donne", explique Raad, les yeux bleus rieurs et les cheveux roux dissimulés sous un bonnet.
La famille Hadaya a fui Qaraqosh, l'une des villes irakiennes où vivaient le plus de chrétiens, à l'arrivée de l'organisation Etat islamique (EI), en août 2014. Réfugiés à Erbil, au Kurdistan irakien, ils ont demandé l'asile en France, espérant éviter le redoutable périple entrepris par des centaines de milliers de personnes fuyant la guerre, par la mer, la Turquie et les Balkans. Après deux ans d'attente dans des conditions "très difficiles", ils ont été autorisés à rallier la France en avion.
Le contraste entre la chaleur de leur ville natale et les températures polaires de Chaux-Neuve, près de Mouthe - "la petite Sibérie française" - est cinglant. Mais "les gens nous avaient prévenu +le froid arrive, le froid arrive !+ et ils nous ont prêté des vêtements chauds !".
Ultra-motivés
Raad, professeur d'anglais, et son neveu, carreleur, a travaillé avec les quelque 500 bénévoles de cet évènement emblématique du massif du Jura où se pressent chaque année près de 15.000 visiteurs. "Ils sont ultra-motivés, adorables, toujours disponibles et surtout, ils parlent anglais, ce qui tombe à pic, car avec les athlètes étrangers et la Fédération internationale de ski, tout se fait en anglais", se réjouit le coordinateur de l'épreuve, Samuel Lopes. "C'est un vrai coup de main", ajoute-t-il, alors que les deux Irakiens arrivent sur le site en saluant tout le monde, ravis et déjà adoptés par les bénévoles locaux.
Les dix membres de la famille Hadaya, dont les deux grands-parents septuagénaires et trois enfants en bas âge, vivent depuis l'été 2016 à Mouthe, petite commune de 1.000 habitants, accueillis par l'association Accueil et solidarité des Hauts du Doubs. Malgré le traumatisme du déracinement, "quel soulagement de trouver un endroit où vivre en sécurité et où mettre les enfants à l'école", confient Raad et Wissam, dont l'objectif est désormais de faire valider leur permis de conduire irakien et d'apprendre le français pour pouvoir trouver un emploi.
À Mouthe, il y avait quelques réticences concernant l'accueil des réfugiés, mais "ils se sont vite intégrés, les gens ont tout de suite vu que c'était des gens très bien, très agréables et très polis", racontent Gilles Goelzer et Denis Pagnier, membres de l'association.
"On doit être de bonnes personnes avec ces gens qui font tant de choses pour nous", estime Raad, qui s'est fait "de nombreux amis", notamment à l'église où sa famille se rend tous les dimanches. Mais la douleur de l'exode, la perte de leur vie passée se lisent dans les yeux sombres de Wissam qui tente de rester en contact avec ses proches sur internet. "Nous attendions la libération de Qaraqosh. C'est fait. Mais les églises, les écoles sont détruites, les maisons ont été brûlées", déplore-t-il. "Donc pour l'instant, c'est difficile d'imaginer rentrer. On verra dans le futur, un futur qui est très incertain".
(Avec AFP)