Cette crise, "dont les chiffres sont effarants" selon le collectif, concerne en particulier :
- les arrêts de travail toujours en hausse : + 10,27% en 2021 (41 jours d’arrêt de travail par agent travaillant au CHU), s’aggravant : + 11,6 % en 2022. Les arrêts sont surtout des arrêts de “maladie ordinaire”, et un facteur nouveau est apparu : la tranche des 25/40 ans constitue la catégorie la plus touchée par ces arrêts.
- les départs "toujours très nombreux" : ils ne sont plus retardés, donc en augmentation. Entre 2020 et 2021, une hausse de 25% des “mises à disposition” est observée ; des abandons de postes dont multipliés par 3 ; des démissions restent élevées (72), ainsi que les personnels suspendus.
- les recrutements "en berne" : une diminution de 30 % des recrutements en 2021 par rapport à 2020, et des “départs” massifs lors des premières années d’exercice au CHU (41 % de départ en un peu plus d’une année). En 2022, seulement 57 infirmières recrutées (110 en 2021, 160 en 2020)
Résultats : "Pour la première fois de son histoire, le CHU a perdu 50 Equivalents Temps Plein - ETP - cette année", indique le Codès 25. Et le recours à l’intérim a encore augmenté soit + 32% de jour et +13% la nuit par rapport à 2019), "à des tarifs beaucoup plus chers".
Pour le collectif, cette situation est "révélatrice d’un malaise profond des professions du corps soignant et de l’hôpital, qui relève des conditions de travail qui se dégradent."
Il relève aussi une augmentation de l’activité à effectif moindre : "il y a une reprise nette d’activité de l’hôpital, de + 6.39% par rapport à 2020 (environ 2% par rapport à 2019) à cause d’une difficulté de reprise de la chirurgie ambulatoire. La productivité augmente sans cesse depuis plus de 20 ans et est devenue aujourd’hui trop importante. Elle est à la fois la conséquence et révélée par la baisse continue de la DMS (Durée Moyenne de Séjour) et la course au Taux d’Occupation des lits, c’est-à-dire la commercialisation des soins et la course à la rentabilité", explique le Codès.
Des conséquences pour les agents dans leur quotidien
Parmi les conséquences pour les agents, le collectif pointe des changements de planning à cause du manque de personne, "ce qui n'est plus acceptable" selon lui. "De nombreux départs se font pour mieux “maîtriser son propre planning” (travail en intérim par exemple). Les agents sont pressés par leur encadrement (encadrement lui-même pressé par son encadrement supérieur et/ou l'administration), avec la carotte de l’appréciation annuelle de la valeur de l’agent et de la prime de service, qui rend la situation encore plus anxiogène. Plus grave encore est la perte de sens au travail qui s’impose aux agents", ajoute le Codès.
Face à cette situation, les “solutions” actuellement proposées sont jugées "insuffisantes et à côté de la plaque". La Direction du CHU parle de "mutualisation", de "redéploiement", de "polyvalence", de "poly-compétence", mais "pour le personnel, cela signifie en fait faire les ‘bouche- trous’, quelles que soit les conséquences pour les personnels et pour les usagers. Cela touche les ASH, les aides-soignantes, les IDE, et depuis peu les personnels administratifs, les kinésithérapeutes, etc., cette tendance risquant de s’accentuer", contredit le Codès. "La Direction parle encore de réaffecter les personnels des consultations et des HDJ un des deux week-ends des fêtes de fin d’année, et, comme si cela ne suffisait pas, en tentant de les culpabiliser."
En bref, pour le collectif, "aucune solution pérenne en vue, aucune perspective... si ce n’est de demander tou- jours plus à un personnel déjà à bout de souffle."
"Le jour de carence est une aberration qui doit être levée"
Selon le Collectif de défense de la santé du Doubs, "il faudrait plutôt revoir en profondeur les ratios de soignants/soignés dans les services et pôle du CHU, constituer de -vrais pool de remplacement- pour que chaque absence soit remplacée dans les services". Et d'ajouter. "la gestion et le respect des plannings est un des enjeux majeurs. Considérer les CDI comme des titulaires n’est pas acceptable. Le contrat doit être un tremplin vers la "stagiairisation" puis titularisation et le CDI ne sera jamais dans la fonction publique, un but en soi. Les agents ne sont pas des numéros à mettre dans des cases ! On ne travaille bien que dans des secteurs d’activité que l’on connaît et que l’on pratique !"
Dans son communiqué, le Codès souligne que "la période Covid a permis à chacun-e de prendre du recul sur le sens profond de son travail et de la vie en général : le don de soi, le dévouement, la sur-adaptation ne sont plus des discours “entendables“ par les agents qui préfèrent s’essayer à faire “autre chose”. Le jour de carence est une aberration qui doit être levée."
"La prise en charge des patients s’est dégradée"
Et d'affirmer que "les conséquences sur les populations sont graves et évidentes : 159 lits de fermés sur le CHU pour un capacitaire réduit à 1.085 lits. La chirurgie se trouve limitée de 60 % à 80 % de ses capacités. Outre le ras-le-bol des personnels et les tensions dans les services, la prise en charge des patients s’est dégradée. Besançon est le 4ème plus petit CHU de France (Dijon, le 10ème). Selon le Rapport du Haut Conseil sur l’Avenir de l’Assurance Maladie de septembre 2022, le nombre de médecins va continuer de baisser et ne retrouvera son niveau d’aujourd’hui que vers 2035. C’est la médecine libérale généraliste qui sera la plus impactée. Or, moins de médecins généralistes, c’est assurément moins de prévention, des prises en charge retardées, des diagnostics repoussés... pour au final, plus de venues aux urgences, et donc plus d’activités pour notre CHU."
L’appel d'un neurochirurgien du CHU de Besançon
Le Codés 25 rejoint l’appel lancé par Laurent Thinès, neurochirurgien et chef de service en Neurochirurgie et chirurgie de la douleur et du rachis" au CHU de Besançon, membre des collectifs inter-hôpitaux, à "un sursaut citoyen pour ne pas accepter l’agonie du système de santé en France" :
"L’hôpital n’est pas « en difficulté », il est exsangue en soins palliatifs, vidés de ses soignants par 30 ans de casse et 6 ans d’incurie de ce dernier gouvernement. Ce ne sont pas des « missions flashs », de « nouvelles assises de la Santé », un nouveau « Ségur » qui changeront les choses si on ne change pas de paradigme, à savoir : la Santé est un des biens les plus précieux, elle ne doit pas avoir comme unique paramètre la rentabilité, elle doit répondre aux besoins de la population et elle doit permettre à ceux qui y travaillent d’être épanouis et rémunérés dignement."
" La logique financière l’a emporté sur la réalité du terrain. N’attendons pas qu’un de nos proches, qu’un de nos enfants soit condamné parce que l'hôpital n’est plus en mesure de le soigner en France. L'hôpital a besoin de fric "
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