hommage
Il vient de disparaitre à 91 ans, discrètement, à l'image de sa vie, sa grande silhouette déglinguée ne parcourra plus la place des tilleuls à Palente. Militant de cette grande pensée d'après Auschwitz et Hiroshima ou Nagasaki, plus jamais la guerre, mais l'amitié entre les peuples, Chris Marker rencontra des dirigeants et amis du CCPPO lors des réunions "PEUPLES et CULTURE". Il noua ainsi de solides amitiés à Besançon. En 1967, invité par René Berchoud et Pol Cèbe, il vint sur les rives du Doubs, tourner un documentaire fondamental "A bientôt j'espère", analyse amicale mais lucide sur la vie et la pensée des travailleurs de la Rhodiaceta, qui, dès 1967, avec leur grève marquée par l'occupation de l'usine transformée en Maison de la Culture, posèrent une question fondamentale : à quoi peut servir le progrès, s'il n'est pas au service des hommes et si les travailleurs sont encore condamnés à vivre comme l'avait si bien décrit Zola en son temps.
Documentaire "A bientôt j'espère"
Ce documentaire diffusé en février 68 par la toute puissante télévision de l'époque concrétisa pour certains historiens, le début "des évènements": des ouvriers parlent librement dans la boite à images, des journalistes téméraires acceptent d'aborder les difficultés de vivre au temps du formica et surtout du gaullisme triomphants. En 1973 il accepta, à la demande unanime de toutes les organisations syndicales, de monter un ciné tract sur l'affaire LIP "Puisque l'on vous dit que c'est possible !", film chargé d'expliquer le conflit avant la grande marche sur Besançon. Il participa aussi au film mémoire sur les morts sochaliens du "II juin 68" assassinés par le pouvoir bourgeois aux abois.
Le cinéma militant
Ami du CCPPO, il participa fin 67 à la création du Groupe Medvedkine, persuadé que le cinéma est un moyen d'expression universel et notamment au service le la pensée populaire. Ainsi, il participa au renouveau du cinéma militant, indispensable pour maintenir une certaine objectivité à l'information télévisuelle et lutter contre les dérives du septième art. Cette amitié est restée constante depuis les années soixante, il aimait à échanger avec ces militants culturels porteurs d'idées qui peuvent paraitre du passé mais qui sont porteuses de l'avenir. C'est à Besançon qu'il donna la Première Européenne du film "Loin du Vietnam", le cri du monde du cinéma afin d'exiger la fin de cette guerre menée par l'impérialisme américain qui suppléa le colonialisme français défaillant. Il a toujours refusé de gagner le moindre centime grâce à cette fidélité, prêtant ses films pour les besoins de la programmation du Centre Culturel Populaire, y abandonnant aussi ses petites royalties sur la diffusion du film Lip.
Il prit une fois la parole lors d'un des premiers "Festival cinéma du CCPPO" celui au cours duquel la médaille de la ville de Besançon fut remise aux parents de Jean Pierre Thiebaud, animateur culturel mais aussi cinéaste militant. A ce dernier, il apporta son soutien technique lors de la réalisation du "Traîneau Echelle". On sait qu'il était venu au Centre Dramatique National lors de la première du spectacle "Les yeux rouges" création théâtrale montée à partir de l'histoire et la pensée des horlogers de Palente, les travailleurs de l'imagination.
Partant du principe que son rôle de témoin du monde ne pouvait être efficace que s'il restait visuellement anonyme, il accepta qu'une image de lui, (encore jeune), fut reproduite dans le confidentiel cahiers des "Amis de la Maison du Peuple de Besançon" consacrée à la genèse du CCPPO.
Afin de rester fidèle à cette grande pensée du siècle, il faut aussi rappeler l'incroyable respect teinté de vénération que le cinéaste portait à ses amis les chats, complices discrets de sa solitude, qui, bien qu'assoupis, sont toujours aux abois...et prêts à sortir les griffes.
Roger Journot (CCPPO)