Le mot cheapflation est la contraction des mots "cheap", qui signifie "bas de gamme ou bon marché" en anglais, et inflation.
Parmi les six grandes marques suspectées de s’adonner au cheapflation : After Eight (Nestlé), Bordeau Chesnel, Findus, Fleury Michon, Maille (Unilever), Milka (Mondelez) ont toutes modifié les ingrédients de leurs recettes et le prix au kilo de leurs produits a augmenté, jusqu’à + 47%, selon foodwatch. Cette pratique consiste à réduire, à supprimer ou à substituer un ingrédient par un autre ingrédient moins cher et/ou de moins bonne qualité. En plus de modifier les recettes en cachette, les prix au kilo des produits ont aussi augmenté dans les rayons, bien au-delà de l’inflation.
”La cheapflation quasi imperceptible au goût est sournoise”, précise l’organisme. ”Les produits épinglés contiennent moins d’ingrédients dits nobles (viande, poisson), de l’huile de palme à la place de l’huile de tournesol ou encore de moins en moins d’œuf dans la mayonnaise”. foodwatch se dit inquièt car ”ces changements de recettes sont bien sûr opérés en catimini alors que les prix augmentent.”
"Les changements de recettes sont quasi imperceptibles"
foodwatch lance une action d’interpellation de ces marques ainsi que des distributeurs, de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), de Leclerc et Intermarché (non-membres de la FCD) et de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA).
"Avec la cheapflation, les consommateurs et consommatrices sont doublement perdants. Ces marques justifient cela par les crises récentes. Le problème, c’est qu’on a l’impression qu’on perd en qualité alors que le prix au kilo augmente dans les rayons. Les changements de recettes sont quasi imperceptibles, on a de moins en moins d’ingrédients nobles alors que les prix dans les rayons augmentent parfois jusqu’à près de 50%. Mais jusqu’où iront-ils ainsi??", s’indigne Audrey Morice, chargée de campagnes chez foodwatch.
Les changements repérés par foodwatch :
After Eight, Nestlé?: Nestlé a ajouté différentes matières grasses végétales, dont de l’huile de palme - que de nombreux consommateurs cherchent à éviter - dans ses chocolats After Eight entre fin 2021 et 2024. Nestlé le justifie notamment par ”le retravail de certaines de ses recettes”. Bien que le coût de l’huile de palme soit moins cher, le prix au kilo des After Eight a augmenté de 7.4 % sur la période, en tenant compte de l’inflation (prix constaté chez Carrefour).?
Bordeau Chesnel, spécialité charcutière au poulet rôti en cocotte?: la quantité de viande de poulet a diminué de 5,5% (de 90% à 85%) entre 2021 et 2024. La graisse de canard a été remplacée par des huiles végétales tandis que l'origine de la viande, initialement française, est devenue européenne. En tenant compte de l'inflation, le prix au kilo du produit a lui augmenté de 31% chez Super U. L'industriel a indiqué avoir effectué ce changement dans le contexte de la grippe aviaire. En changeant de recette, même si la marque ne l’affiche pas, le Nutri-Score du produit passerait ainsi de D à E.
Findus, colin d’Alaska à la bordelaise?: en avril 2023, Findus a diminué la quantité de chair de poisson de 75% à 71%. En parallèle, le prix au kilo du produit a augmenté de 47%, en tenant compte de l’inflation (prix constaté chez Auchan). Ce produit a aussi subi de la shrinkflation puisque son poids est passé de 400g à 380g sur la même période, rapetissant de 5%. La marque explique avoir retravaillé la recette pour tenir compte de l’évolution des attentes des consommateurs. foodwatch doute que les principaux intéressés aient pour «?attente?» de payer plus cher au kilo, pour un produit contenant moins de poisson. ???
Fleury Michon, bâtonnets ‘Le Moelleux’?: depuis le début de l’inflation alimentaire, Fleury Michon a diminué la quantité de chair de poisson de 11%, passant de 43% à 38%. Sur la même période, et en prenant en compte l'inflation le prix au kilo du produit a bondi de 40% (prix Auchan). Avec ce changement de recette, le Nutri-Score du produit changerait de B à C. D’après les informations de foodwatch, la marque a indiqué avoir fait ces changements pour proposer un prix accessible sur ce produit sans faire de compromis sur la qualité des ingrédients.
Maille, mayonnaise Fin Gourmets Qualité Traiteur?: depuis le début de l’inflation, Unilever a diminué la proportion de jaunes d’œufs de 9.3% à 7% et y aurait augmenté la quantité d’huile pendant que le prix au kilo du produit, en tenant compte de l'inflation, augmentait de 12.16% (vu chez Intermarché). Unilever justifie ce changement par les « tensions sur le marché des œufs liées notamment à l’épidémie de grippe aviaire », et «?à des difficultés d’approvisionnement ».
Milka, cookies « choco » Sensations?: entre avril 2022 et 2024, sur fond de dérogations accordées à l’industrie agroalimentaire en raison des pénuries de céréales à cause de la guerre en Ukraine, Mondelez a remplacé l’huile de tournesol par de l’huile de palme dans ces cookies. Mais une fois sifflée la fin des dérogations, en janvier 2024, la marque a continué d’utiliser de l’huile de palme, sans informer clairement les consommateurs et consommatrices du changement. L’huile de palme est moins coûteuse, pose un problème environnemental et ses acides gras saturés contribuent au mauvais cholestérol, sans oublier le risque cardiovasculaire. Le prix au kilo du produit – comparé chez Casino entre l’ancien format -182g - et le nouveau format et en prenant l'inflation en compte, mis en rayon en janvier 2024, - 208g - a augmenté de 27%.?La marque indique à foodwatch que « le projet de retour à l'huile de tournesol est en cours de discussion en interne ».