Comme annoncé par la Première ministre mardi 11 octobre, le ministère de la transition énergétique a lancé la réquisition des personnels indispensables au fonctionnement du dépôt de carburants de la raffinerie ExxonMobil de Port-Jérome (Gravenchon) en Seine-Maritime.
La réquisition ne concerne pas les opérations de la raffinerie et donc la production de carburant. Les grévistes du dépôt de Flandres de TotalEnergies, près de Dunkerque, seront les prochains, a confirmé le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
"Galère"
Les salariés indispensables devraient donc se voir contraints de venir rouvrir les vannes afin que des camions puissent se charger, sous peine de sanctions pénales, comme lors du précédent de 2010, quand les gendarmes avaient débloqué l'accès d'une raffinerie pour que des salariés réquisitionnés puissent relancer le site.
Six des sept raffineries de France sont en grève ce mercredi : les quatre de TotalEnergies et les deux d'Esso-ExxonMobil ; seule celle de Lavéra (groupe Petroineos) n'est pas bloquée. S'y ajoute le dépôt de Flandres.
Malgré la menace des réquisitions, que les syndicats entendent contester en référé, les grévistes des deux groupes pétroliers ont voté sur plusieurs sites mercredi, au moment des changements de quarts, pour reconduire leur mouvement, notamment à Donges en Loire-Atlantique (TotalEnergies), et à Gravenchon (Esso), seul centre visé par les réquisitions pour l'instant.
Et FO, quatrième syndicat parmi les salariés du raffinage chez TotalEnergies, a rejoint mercredi la grève. De quoi prolonger les pénuries, malgré la promesse d'amélioration du gouvernement depuis la fin de semaine dernière, et réitérée mercredi.
31,3 % des stations-service manquent de carburant
Mardi à 18 heures, 31,3 % des stations-service manquaient d'un ou plusieurs carburants, selon le ministère. La proportion était pire dans dans les Hauts-de-France (44,8 %) et en Ile-de-France où les pénuries se sont nettement aggravées cette semaine (44 %).
Partout les automobilistes racontent leur "galère" en quête d'essence ou de diesel, désormais à l'aide d'applications qui ne permettent pas toujours de faire le plein : "Ça fait la troisième station-service", désespère Esther Berrebi, assistante de vie à Paris. "Depuis 7 heures du matin, je suis dans la rue."
Au-delà des déplacements de tous les jours, le travail des artisans, ambulanciers, livreurs et autres professionnels est perturbé, au point que le patronat s'est inquiété cette semaine des conséquences sur la vie économique du pays.
La cause du conflit : les salaires. La CGT, qui a lancé la grève le 27 septembre chez TotalEnergies, revendique 10 % d'augmentation pour 2022, contre les 3,5 % obtenus en début d'année, afin de compenser l'inflation et de profiter des bénéfices exceptionnels du groupe.
Critiques politiques
Mais ces négociations n'ont pas commencé chez TotalEnergies. Pour la première fois, la direction a toutefois accepté de recevoir la CGT mercredi ; jusqu'à présent, elle exigeait comme préalable la levée des blocages pour voir le deuxième syndicat du groupe. Mais seulement pour des concertations et échanges, toute vraie négociation devant se faire avec les quatre syndicats représentatifs - ce que la société refuse tant que ses sites sont bloqués. "On va discuter du besoin d'ouvrir très rapidement des négociations", martèle Thierry Defresne, qui représente la CGT à ces discussions.
Chez Esso, un accord a été signé avec deux syndicats majoritaires dont la CFDT, mais pas avec la CGT. La grève continuait dans ses deux raffineries. A Fos-sur-Mer, aucun carburant n'est sorti depuis le 21 septembre.
Chez TotalEnergies, la grève dure depuis le 27 septembre et prend de l'ampleur. Elle concerne la raffinerie de Normandie (Gravenchon), près du Havre, le dépôt de Flandres, près de Dunkerque, la "bio-raffinerie" de La Mède (Bouches-du-Rhône), la raffinerie de Feyzin (Rhône), et celle de Donges.
Face aux files d'attente d'automobilistes exaspérés, interviewés en boucle sur les chaînes d'information, le gouvernement est de plus en plus critiqué par les oppositions. La députée écologiste Sandrine Rousseau a appelé mercredi à "la grève générale", quand Mathilde Panot (LFI) s'est rendue parmi les grévistes d'ExxonMobil à Gravenchon.
(AFP)