Débattue ces derniers jours dans l'hémicycle, la proposition de loi portant mesures pour "bâtir la société du bien-vieillir en France" est bien partie pour être adoptée très largement par les sénateurs, après l'Assemblée nationale en novembre. Examiné depuis mi-avril par les députés puis suspendu à plusieurs reprises, ce texte, certes consensuel, résume néanmoins toutes les difficultés du gouvernement sur le secteur du grand âge, de promesse en promesse et de report en report.
Promise par le président de la République Emmanuel Macron au début de son premier quinquennat, la présentation d'une loi de programmation pluriannuelle sur l'autonomie se fait en effet toujours attendre par les professionnels du secteur.
"Je m'engage à ce qu'une telle loi vous soit présentée. Vous êtes libres de me croire ou non, mais je ne peux pas être plus claire : l'arbitrage a été rendu, l'engagement est pris. J'irais presque jusqu'à le tatouer sur ma peau, s'il fallait cela pour vous convaincre !", avait lancé l'ex-ministre des Solidarités Aurore Bergé à l'attention des députés fin novembre.
"Ovni législatif"
Deux mois plus tard, avec un nouveau gouvernement et une nouvelle ministre, Catherine Vautrin, la parole de l'exécutif est moins claire: le Premier ministre Gabriel Attal n'a pas évoqué ce texte dans son discours de politique générale au Parlement et Mme Vautrin a expliqué être dans l'attente d'un avis du Conseil d'Etat, prévu jeudi.
"J'ai de grosses inquiétudes au regard des propos tenus par la ministre. Rien ne garantit cet engagement", a regretté la sénatrice socialiste Corinne Féret. "A mon avis, la loi grand âge c'est ce qu'on nous présente là", a craint de son côté le rapporteur LR Jean Sol, invitant tout de même à adopter cette proposition de loi sur le "bien-vieillir" bien qu'elle ne "réponde que partiellement aux enjeux".
La situation a même créé une "sorte d'Ovni législatif" selon la communiste Céline Brulin : en effet, le texte sur le "bien-vieillir" renvoie lui-même à cette loi pluriannuelle du grand âge en exigeant du gouvernement qu'il la présente avant la fin 2024. Une disposition que beaucoup jugent symbolique et non contraignante. D'autres mesures fortes figurent cependant dans le texte et ont été validées par les sénateurs, avec la création d'une carte professionnelle pour faciliter la reconnaissance du travail des intervenants à domicile, ou encore l'inscription dans la loi du droit de visite dans les Ehpad, après le traumatisme de nombreuses familles lors de la crise du Covid-19.
Chiens et chats en Ehpad ?
Le texte prévoit aussi la création d'un service départemental de l'autonomie en vue de "décloisonner" les politiques en faveur des personnes âgées et en situation de handicap. Un dispositif pour signaler les cas de maltraitance est également prévu.
Autre nouveauté, un fonds de soutien aux départements, chiffré à 100 millions d'euros, pour qu'ils participent aux frais de transports des professionnels de l'aide à domicile, y compris pour financer l'obtention de leur permis de conduire.
Relativement commentée, une mesure introduite à l'Assemblée pour sanctuariser le droit des résidents en Ehpad à accueillir leur animal de compagnie, souhaitée par de nombreuses associations, a été très atténuée au Sénat, qui a choisi de laisser la main aux établissements.
"J'ai cru tomber de ma chaise… Garantir un tel droit poserait de nombreux problèmes: hygiène, allergies, phobies, compatibilité entre animaux", s'est par exemple inquiété le sénateur Daniel Chasseing (Parti radical).
Après l'adoption probable du texte au Sénat, députés et sénateurs tenteront de trouver un texte de compromis lors d'une commission mixte paritaire (CMP).
Ce ne sera pas une mince affaire car le Sénat a supprimé près de la moitié des articles issus de l'examen des députés, comme cette disposition qui visait à obliger les Ehpad privés à consacrer une fraction de leurs bénéfices à l'amélioration du bien-être de leurs résidents.
(Source AFP)