Bernard Bouveret, résistant-passeur : "On était fier mais on ne pouvait pas en parler..."

Publié le 24/05/2013 - 12:25
Mis à jour le 10/11/2020 - 08:53

39-45. La guerre. Des vies marquées, encore aujourd’hui. Nombreux sont les hommes qui se sont pliés au troisième Reich, par peur de représailles. Il est néanmoins des destins peu communs, de ceux qui ont senti le besoin d’agir à leur échelle, de ne pas subir, mais de lutter… de résister. Il est des destins qui marquent des vies, de ceux qu’on rencontre une soixantaine d’années après la guerre, qui en ont sauvé tant.

témoignage

On pense en Franche-Comté aux passeurs, ceux qui à la nuit tombée parcouraient la forêt, montaient le Risoux, risquant leur vie pour mettre en sécurité en Suisse, des juifs ou d'autres résistants. On pense à l'ensemble du réseau franco-suisse "Vélite-thermophyle" dont faisait partie Bernard Bouveret. A 88 ans, le " résistant passeur"nous a reçu chez lui à Foncine-le-Haut dans un univers qui lui ressemble, à la fois humble et accueillant. Il revient sur les plus jeunes années de sa vie...

maCommune.info : Comment êtes-vous entré en résistance ?  Pour vous était-ce la seule solution ?

 Bernard Bouveret : "Nous avions mal accepté la défaite de 40 et je ne voyais pas ce qu'on pouvait faire. À l'époque j'avais seize ans. Notre famille tenait un restaurant. Une fois la débâcle passée, nous n'avions plus beaucoup de marchandises, car nous avions tout donné aux troupes françaises. Quand les Allemands sont arrivés, avec Victoria (NDLR : Victoria Cordier, une autre résistante), nous allions régulièrement de l'autre côté de la frontière pour nous ravitailler. Le résistant Fred Reymond était mobilisé sur la frontière pour les renseignements. Au cours d'un pique-nique, il m'avait contacté en m'expliquant ses activités. Il cherchait quelqu'un pour un "pied à terre" sur la France. Il m'a expliqué les risques, mais n'a pas voulu que j'accepte sans l'autorisation de mon père. Au début, j'étais au service des "renseignements". J'étais content de faire quelque chose contre l'occupant !"

Comment faisiez-vous passer les juifs par les bois ?

"J'ai démarré au printemps 1941. Les débuts des années 42 et 43 ont été les périodes les plus intenses. Nous étions une équipe de cinq et attendions la nuit pour agir. Ils arrivaient via une filière. En général, nous nous organisions en équipe de deux. Mais certaines fois, nous n'étions pas trop de cinq comme lorsque l'on a passé toute une famille avec des enfants sur les épaules. Nous traversions la Combe-des-Cives, une zone dangereuse. Les Allemands se trouvaient juste en bas. On passait aussi du courrier en Suisse. Une lettre, par exemple le Z, correspondait à une adresse...

Qu'est-ce qui a été le plus dur dans la résistance ?

"C'est de ne pas parler, notamment lors d'interrogatoires avec les Allemands. Et bien sûr aussi de passer les juifs, il ne fallait jamais rien dire..."

Vous rendiez-vous réellement compte des risques ?

"Au début, pas du tout, car au début on pique-niquait de jour, on ne partait pas tous ensemble. Plus le temps avançait, plus nous nous en rendions compte, surtout après les arrestations. Les Allemands nous écrasaient..."

 Qu'est-ce qui vous a marqué le plus à cette période ?

"Les gens se sauvaient. Il n'y avait pas d'électricité, pas de radio et pas d'informations. On n'avait pas d'électricité à Chapelle. On allait à Chaux-Neuve pour écouter la radio suisse clandestine, Radio Sotan. Le slogan était "Paris ment, Paris ment, Paris est Allemand". Un autre épisode m'a également marqué. Nous devions faire  accompagner une famille, mais le père a eu une crise d'épilepsie à l'endroit le plus dangereux. Une autre fois, deux personnes à passer ressemblaient à des membres de la Gestapo. On a donc  voulu les séparer, mais il s'est avéré que c'étaient aussi des résistants. Ils auraient pu parler, mais ne pouvaient pas. Tout le monde se méfiait"

Après votre arrestation le 7 avril 1944, vous avez été transféré à Dijon pour être interrogé avant d'être envoyé au camp de concentration de Dachau. Qu'est-ce qui vous a aidé à tenir là-bas ?

"C'est le moral qui nous a aidés pendant un an en cellule, car nous savions que le  débarquement avait eu lieu. Les troupes alliées s'étaient arrêtées sur le Rhin, à cause de l'hiver, ils étaient bloqués, ils attendaient le printemps pour nous libérer. "

 Quel regard portiez-vous sur la population allemande à l'époque ?

"On mettait tout le monde dans le même sac, mais quand la libération est arrivée, on a su que les civils allemands souffraient de la faim et qu'il n'y avait plus de main-d'œuvre, car tous les hommes étaient mobilisés. Les Allemands étaient eux aussi malheureux".

Avec le recul, comment analysez-vous cette période de votre vie ?

"On a fait ce qu'on devait faire. On a hésité à en parler après, il y avait une telle propagande sur les juifs ! Ça a changé ma vie, on a fait des choses peu ordinaires. Je repense avec émotion à Gilbert, à Fred, aujourd'hui disparus. On se faisait passer pour des contrebandiers. On était fiers, mais on ne pouvait pas en parler.

Au début, je pensais raconter ma vie pour mes enfants, mais je me rends compte que mon histoire a aujourd'hui une autre portée. À la sortie de la guerre, on ne parlait que très peu de ce qui s'était passé. Quand nous sommes rentrés six mois après la libération, la France était réorganisée. Les gens ne posaient pas trop de questions, ils ne faisaient pas la différence entre prisonniers de guerre et déportés."

 Plus

 Les jeudis du mois de juillet et août, il est possible d'aller au rendez-vous des sages, sur les lieux de passages avec la compagnie de Bernard Bouveret et Fanny-Girod sur la place de Chapelle des bois. Voir ci dessous.

Réécoutez l'émission de France Inter (6-4-12) "Carnets de Campagne" sur la Rando des passeurs (à partir de 3'30)

  

"Le rendez-vous des sages " de Gisèle Tuaillon-Nass aux "Presses du Belvédère" 18 €

Soyez le premier à commenter...

Laisser un commentaire

Société

Guide Michelin 2025 : pas de changement ou presque en Franche-Comté

Le palmarès 2025 du célèbre guide Michelin a été dévoilé lundi 31 mars à Metz. En Bourgogne-Franche-Comté, on compte un seul nouvel étoilé situé en Côte-d’Or, le Château de Courban du chef Maxime Lesobre. Aucune nouvelle étoile n’a en revanche été attribuée cette année en Franche-Comté. 

Sondage – Avez-vous déjà réservé vos vacances d’été ?

L’arrivée du printemps et du soleil est également le signe que l’été n’est plus très loin. Concernant les congés, si certains préfèrent anticiper pour concocter leur séjour estival, d’autres, au contraire, préfèrent prendre leur temps pour s’organiser ou même… improviser ! Et vous ? Avez-vous déjà réservé vos vacances d’été ? C’est notre sondage de la semaine.

Une chatte positive au FIV ne trouve pas de famille à Besançon, et pourtant…

Nina est une minette de 5 ans qui se retrouve en famille d’accueil depuis le 16 juin 2024 et qui ne trouve pas de famille pérenne. Pourquoi ? Elle est positif au FIV, le virus de l’immunodéficience féline (similaire au sida pour l’humain). Dans un communiqué du 26 mars 2025, l’association Nala Mystic & Compagnie (NMC) veut informer le plus grand nombre à cette maladie très mal connue du public afin que Nina trouve une famille affectueuse et pour longtemps…

Du matériel pour permettre au musée des Maisons comtoises de retravailler

Huit mois après l’incendie qui a détruit l’atelier du musée des maisons comtoises, une cérémonie de remise officielle de dons de matériel a eu lieu le 26 mars à Nancray en présence du président du syndicat mixte du musée des maisons comtoises Pierre Contoz, du vice-président du conseil départemental Ludovic Fagaut et dru vice-président de Grand Besançon Métropole (GBM) en charge des finances Gabriel Beaulieu. 

Interpellations de Frédéric Vuillaume : FO porte plainte pour “atteinte à la liberté d’expression et du droit de manifester”

Le syndicat Force Ouvrière Conseil Régional Franche-Comté-Bourgogne appelle à un rassemblement de soutien à Frédéric Vuillaume, son secrétaire général, devant le tribunal judiciaire de Montbéliard le 27 mars à 13h30. Ce dernier est convoqué au tribunal de police pour une amende de 68 euros liée à des slogans scandés lors de la visite de la ministre Aurore Bergé à Onans.

La Ligue Bourgogne-Franche-Comté de Football renforce sa lutte contre le racisme et l’homophobie

La Ligue Bourgogne-Franche-Comté de football poursuit sa lutte contre les discriminations en instaurant une nouvelle procédure dédiée à la gestion des comportements racistes et homophobes sur les terrains, a-t-on appris dans un communiqué du 21 mars 2025. Cette initiative s’accompagne d’une campagne de communication visant à sensibiliser l’ensemble des acteurs du football régional.

Apprentie Chez Marius et au CFA de Chardonnet, Agathe Grosjean sacrée Meilleur apprentie de France !

Lundi 24 mars 2025, Agathe Grosjean, 16 ans, apprentie au CFA Hilaire de Chardonnet à Besançon et à la boucherie-charcuterie Chez Marius à Ornans, a été sacrée Meilleur apprentie de France lors du Concours national des meilleurs apprentis de France charcutier-traiteurs à Paris.

Offre d'emploi

Devenez membre de macommune.info

Publiez gratuitement vos actualités et événements

Offre d'emploi

Sondage

 15.22
nuageux
le 02/04 à 15h00
Vent
4.69 m/s
Pression
1013 hPa
Humidité
53 %