Dans un contexte géopolitique qui change, l’armée de terre en 2023 se transforme. Le dernier plan de transformation datant de 2015 avait été appelé "au contact", aujourd’hui, le modèle adopté est celui d’une armée de terre "au combat". Un choix qui fait directement écho au retour de la guerre en Europe. Les récents événements en Ukraine ont mis fin au tabou de la violence armée interétatique mettant ainsi un terme à une période de trois décennies de post Guerre froide.
C’est donc le retour de la guerre dite de haute intensité ou guerre symétrique. Et pour le général de la 1re division Pierre-Yves Rondeau, l’actualité "montre aujourd’hui tout le spectre de la conflictualité". Les "compétiteurs" ont ainsi "ouvert tout le panel des menaces" avec la guerre de basse intensité comme les actes de terrorisme en Israel, ou celle, dite de haute intensité avec ce qui se passe en Ukraine où l’on assiste à "des duels d’artillerie, armée contre armée, brigade contre brigade".
Améliorer la réactivité
Pour faire face à ce "nouveau virage", l’armée de Terre se transforme donc et se doit d’être désormais plus réactive afin de maintenir ce que le chef d’État Emmanuel Macron appelle la "puissance d’équilibre". Pour cela, il a récemment, via la loi de programmation militaire (LPM), alloué 413 milliards d’euros de ressources sur 7 ans. Un signal fort de prise en compte par la Nation de cette nouvelle ère stratégique.
Les mentalités de commandement ont elles aussi évolué "passant d’une culture de modalité à une culture de finalité" en appliquant notamment ce que l’on appelle "la subsidiarité c’est-à-dire faire confiance aux instances subordonnées en leur laissant l’initiative de leurs actions".
Simulation informatique et solidarité stratégique
C’est à ce titre qu'avec ses 25.000 hommes répartis au sein de quatre brigades, la 1re Division, "impliquée au coeur de cette transformation" rappelle le général, procède à la révision de ses manoeuvres opérationnelles en se livrant à un exercice d’auto-entraînement de son état-major depuis le 1er octobre 2023.
L’exercice De Lattre met en oeuvre un exemple tactique de la solidarité stratégique. Pour cette simulation, la première Division est engagée en Pologne, avec des alliés français et américains dans le cadre de la solidarité stratégique au sein de l’OTAN. En face d’eux, l’ennemi "imite un certain nombre d’actions d’une armée bien connu de l’Est… russe" détaille le général.
Les ennemis sont ainsi simulés par un système informatique qui signale les déplacements tout comme les affrontements et les frappes, les vols d’avion, de drone, en somme un "war game informatique" résume le général Rondeau, mais "au niveau régiment, brigade et division".
La zone de conflit s’étendant de 250 km de front à 150 km de profondeur a elle, été reproduite sous forme de maquette pour permettre une vue d’ensemble des combats.
Le but de l’exercice est de "mécaniser un fonctionnement, d’être capable de travailler à 120" le tout sur deux sites distants : un situé au quartier Ruty de Besançon et qui fait office de poste de commandement (PC), un autre au fort de Montfaucon qui simule le PC avant.
Durant cette simulation, rien n’est laissé au hasard et tous les aspects du conflit sont passées en revue. Au quartier Ruty, le poste de commandement mène la conduite des opérations. Mais on y gère également la logistique qui prend en compte la gestion du ravitaillement, des carburants, la maintenance ou encore la prise en charge des blessés. Une guerre cognitive est également menée via les systèmes d'information afin de combattre les forces morales de l’ennemi en tentant de "gagner la guerre sans faire de morts" nous explique le capitaine Élise.
Du côté de Montfaucon, ou plutôt, à Plock en Pologone, soit à 50 km de la ligne de front, le mode discrétion est activé et la tenue de camouflage nécessaire pour ces soldats qui sont activement chassés par l’ennemi. Ici se situe le PC avancé qui a en charge la conduite de la manoeuvre de la division qui a été donné par le PC principal. Le colonel Paul, chef des opérations du PC avancé sous les ordres du général de brigade britannique Jon Cresswell nous explique que pour la simulation, il a été décidé de "se mettre volontairement en difficulté". Le PC avancé fonctionne ainsi avec un effectif "ultra-réduit" de 20 personnes pour tenter "d’optimiser les moyens civils de communication" que les militaires peuvent être amenés à utiliser sur le terrain en cas de besoin.
Objectif de 19.000 hommes déployés en 30 jours
Cet entraînement à taille réelle permet au chef de l’état-major de travailler et de mettre en oeuvre tout un de processus tactiques et techniques qui amènent à la décision militaire du chef du commandement à la division. Objectif : accroître la réactivité et amener à des prises de décisions dans des boucles de temps "réflex" et réfléchies qui décideront de l’engagement des moyens mis en oeuvre au combat. À terme, l’objectif de réactivité à l’horizon de 2027 est la capacité à déployer en 30 jours une division de deux brigades soit 19.000 hommes et 7.000 véhicules.