"Le feu d'artifice venait de se terminer, nous marchions sur la promenade avec insouciance, il y avait un monde fou, au moins 100 000 personnes du début à la fin", nous raconte Camille, quelques jours après le drame. "Soudainement, nous avons vu des CRS armés de mitraillettes le doigt sur la gâchette dans la foule. Dix secondes après, nous avons entendu "bam bam bam". On s'est retournés et nous avons vu le camion qui était derrière nous", se rappelle-t-elle.
Camille et ses proches commencent alors à courir "à folle allure" en pensant "se prendre une balle dans le dos, sans imaginer ce qu'il se passait vraiment, ni l'ampleur, ni la nature de l'attaque, sans savoir qui tirait sur qui." Une course sur une distance d'environ 400 mètres pendant laquelle ils se disent : "c'est bon c'est eux, c'est un attentat !"
"Putain on va mourir, nous sommes assiégés"
"Les gens avaient les regards vides, ça hurlait", décrit Camille, "c'était une scène de science-fiction, c'était le chaos, impressionnant, on allait dans tous les sens, livrés à nous même, sans aide de personne, sans savoir dans quelle direction aller".
L'ami de Camille cherche alors un refuge jusqu'à même taper aux portes d'un camion de police. Finalement, arrivés sur la place Massena, alors que chacun tente de reprendre son souffle, une foule immense arrive dans leur direction. "C'est à ce moment-là que l'on s'est dit : putain on va mourir, nous sommes assiégés", se souvient la jeune femme.
"Les gens étaient apeurés, nous cédions tous à la panique, des chaussures étaient part terre, les enfants tombaient plusieurs fois, tout le monde s'est mis à courir dans une même rue, précisément la rue du Paradis, où nous avons eu l'idée de nous réfugier dans un porche, en sonnant à chaque interphone pour qu'on puisse être en sécurité", explique-t-elle.
Camille et ses proches sont accueillis dans un appartement où se trouvaient plusieurs personnes. "L'heure était à la panique et aux idées les plus insolites que chacun soulevait comme une prise d'otage, etc.", se remémore-t-elle.
"Nos membres tremblaient encore"
Au bout de 45 minutes, les premières informations sont tombées : "nous étions sous le choc, nos membres tremblaient encore", précise Camille, "Cette idée de courir sans savoir où aller en pensant se prendre une balle dans le dos est terrible, on pense mourir. Et puis nous reviennent en tête les images que l'on a pu voir : celles de personnes par terre, ce camion, ces coups de feu… Traumatisant."
"Nous remercions notre bonne étoile, nous n'étions qu'à 10 mètres de ce camion, si nous nous étions arrêtés pour refaire un lacet ou si nous étions restés une minute de plus à l'endroit où nous avions regardé le feu d'artifice, nous aurions pu faire partie de ces morts. Les enfants étaient traumatisés".
Camille et ses proches ont quitté l'appartement au bout de 2 heures. Ils ont repris leur voiture et sont rentrés chez eux.
Le lendemain, "c'était la gueule de bois pendant laquelle il était difficile de reprendre un semblant de sa vie face à cette menace permanente", indique-t-elle. Camille et son ami ont quitté Nice pour rejoindre Cannes "pour éviter de reprendre la route trop longtemps jusqu'à Dijon". L'angoisse gagne les jeunes gens : "je me retournais sans arrêt pour savoir ce qu'il y avait derrière moi, cette peur que quelque chose arrive encore", nous confie Camille.
"Le dispositif de sécurité n'était pas un dispositif de sécurité en état d'urgence"
L'ami de Camille, qui est déjà venu plusieurs fois au feu d'artifice à Nice, lui a fait part de son étonnement : "la question de sécurité face à cela est à se poser : le dispositif n'était pas celui d'un état d'urgence, largement insuffisant, il n'y avait aucun barrage, juste de simples barrières et un policier par-ci, un autre par-là faisant la circulation comme les années précédentes, ni plus ni moins. Trop occupés à regarder le feu d'artifice ?". D'ailleurs, avant l'attentat, le couple s'était fait la remarque sur la légèreté du dispositif de sécurité, qui semblait n'être pas différent de ceux des années précédentes.
Pour la jeune femme, "cet état d'urgence est un leurre, un mirage. Malgré tout, il est difficile de dire si ça se serait mieux passé ou non avec un réel dispositif d'état d'urgence face à cette menace nouvelle et sans visage."
"Ça libère un peu de parler de tout ça"
"Ça fait du bien", nous répond Camille, "ça libère un peu". "En ce moment, on est dans la réflexion et surtout on ne veut pas refouler nos peurs et nos angoisses, on en parle et ça fait du bien".
Traumatisée, "J'étais incapable de lire ou de regarder quoi que ce soit dans les médias pendant plusieurs jours. Aujourd'hui, ça va mieux, on lit la presse, on voit le nombre de morts et on se dit que ça aurait pu être nous. Tout s'est tellement joué à des quarts de secondes !"