Dans le sillage des parties civiles le matin, Etienne Manteaux a déroulé pendant plus de deux heures et demie ses très nombreuses questions, confrontant l'accusé aux multiples contradictions ou nouvelles versions qu'il a livrées au fil du dossier et de ce nouveau procès.
Face aux interrogations du magistrat, le Chilien de 33 ans est apparu à plusieurs reprises dans les cordes, peinant à se justifier ou avançant des explications peu convaincantes.
"Jalousie maladive"
Tranchant, M. Manteaux a pointé la "jalousie maladive" et la "fierté de mâle blessé" du jeune homme qui n'a pas supporté que Narumi le quitte - lui soutient qu'il a pris l'initiative de rompre. Il a lu les messages comminatoires envoyés par l'accusé à Narumi, arrivée à Besançon fin août 2016 pour y apprendre le français et suivre un cursus en économie. Un voyage dont M. Zepeda ne voulait pas.
Pour l'accusation, ce dernier est venu exprès du Chili en France et a tué Narumi, sans doute en l'étouffant ou en l'étranglant. Il s'est ensuite débarrassé du corps dans une zone boisée près de Dole.
"Je suis totalement étranger à cette disparition", a de nouveau soutenu Nicolas Zepeda. Questionné ensuite par l'un de ses avocats, Renaud Portejoie, il a fondu en larmes : "On est trop concentré sur moi, je n'ai pas tué Narumi", a-t-il crié, tapant des poings sur son box.
M. Manteaux déroule : l'achat d'un bidon d'essence et d'allumettes, peut-être pour incendier le corps de Narumi ; ses passages dans une zone boisée près de Dole, là où les enquêteurs estiment qu'il a pu laisser le corps de son ex, jamais retrouvé ; les messages envoyés à Narumi pour tenter de contrôler ses fréquentations masculines en France ou ses amis sur Facebook...
Des courriers de "caricature de domination masculine", tance le magistrat. A ce moment, "je vais la quitter. C'est très cérébral, très pragmatique, on cherche ce qui ne marche pas, pour se quitter", se justifie M. Zepeda. "C'est elle qui vous a quitté parce qu'elle est oppressée", "harcelée", "elle termine même un message par un +va te faire foutre+", lui assène M. Manteaux, qui brandit ce qui est à ses yeux la "preuve finale crucifiante".
Le 10 décembre 2016, le compte Gmail de Narumi actionne l'adresse IP du cousin espagnol de Nicolas Zepeda, chez qui il se trouve, pour répondre à une personne demandant des nouvelles de l'étudiante. La jeune femme a alors disparu depuis cinq jours.
"Cette partie, je ne la maîtrise pas, je ne sais pas ce qui est arrivé", bredouille l'ancien étudiant en économie. "Si je vous dis que je ne vous trouve pas convaincant ?", rétorque Etienne Manteaux au Chilien qui reconnaît que Narumi n'était alors pas avec lui. "C'est la preuve centrale du fait que vous avez pris le contrôle du portable de Narumi après le 5 décembre", notamment pour continuer à faire vivre numériquement Narumi les jours suivants sa disparition et retarder les recherches, conclut le magistrat.
"Scénario macabre"
Premier avocat des parties civiles à plaider, Me Randall Schwerdorffer a proposé aux jurés "le scenario macabre" mûri selon lui par Nicolas Zepeda un mois avant son arrivée en France, le 30 novembre : soit il renoue avec Narumi et "elle vient au Chili" avec lui, "soit elle ne vient pas et personne ne la revoit", a avancé l'avocat d'Arthur Del Piccolo, dernier petit ami de Narumi, soupçonné au début par les enquêteurs, avant d'être mis totalement hors de cause.
"J'ai rarement vu quelqu'un mentir avec autant d'aplomb dans une cour d'assises", a encore déclaré le conseil, insistant sur les "éléments de preuve" à l'encontre de l'accusé, malgré l'absence du corps de Narumi.
Me Sylvie Galley, avocate des proches de Narumi, plaidera mercredi matin. Les réquisitions sont attendues dans la foulée, le verdict étant attendu jeudi.
Condamné en première instance à 28 ans de réclusion, Nicolas Zepeda encourt la perpétuité.
(Source AFP)