Au lendemain de l’hommage de la nation, dans la Cour de la Sorbonne à Paris, les derniers éléments de l’enquête ont permis d’établir un lien entre le meurtrier et un jihadiste russophone en Syrie.
La communauté éducative se tourne vers le retour des élèves, le 2 novembre, objet d'une réunion avec les syndicats au ministère de l'éducation nationale jeudi matin.
Les représentants des personnels ont insisté sur le "besoin de laisser un temps banalisé aux équipes le matin du 2 novembre pour partager l'émotion et aussi poser des questions sur la façon dont l'institution a accompagné les collègues, sur l'enseignement de la laïcité". "On a besoin de voir comment on va laisser s'exprimer les élèves aussi", a expliqué à la presse Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire.
Cela signifierait que les élèves, de la maternelle au lycée, ne pourraient potentiellement pas être accueillis dès 8h00 le 2 novembre 2020
"Pour l'instant, nous n'avons pas de réponse précise, il faut faire vite pour informer les familles (...) On nous dit à ce stade, du côté du ministère, qu'un dialogue doit s'engager avec les collectivités territoriales", a ajouté Frédérique Rolet.
Faire confiance aux élèves
Christine Chatot Pieralli, professeur d'histoire géographie au Lycée Pergaud de Besançon où tenu un hommage a été rendu à Samuel Paty mercredi matin, a pu converser avec des élèves du microlycée qui étaient présents en cours ce lundi. "Nos élèves, il faut leur faire confiance, car ils ont des mots très clairs sans haine pour exprimer ce qu'ils ont vécu. Et eux-mêmes sentent qu'ils sont atteints dans leur démocratie et leur future façon de vivre... " indique l'enseignante qui souhaite un soutien clair et franc de l'institution (vidéo ci-dessous). "Lorsque l'on sent que ça peut déraper, tout de suite remettre les choses sur la table tranquillement, durablement et sereinement avec les enfants et les parents. Il ne faut pas qu'il y ait de frustration, mais je pense qu'il faut dire les choses sans langue de bois..."
Les syndicats s'interrogent également sur la place à accorder aux élus lors de cette journée du 2 novembre 2020, alors que le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a demandé à "tous les élus de la République, les conseillers municipaux, les maires, les sénateurs, d'être présents auprès des professeurs le jour de cette rentrée".
Le contenu de cette journée d'hommage au professeur d'histoire-géographie de 47 ans, décapité le 16 octobre à Conflans-Saint-Honorine (Yvelines), devrait être précisé lors d'un deuxième rendez-vous la semaine prochaine.
Samuel Paty a été tué dix jours après avoir montré à ses élèves de 4e des caricatures de Mahomet. Parmi les sept personnes mises en examen mercredi soir pour l'assassinat du professeur, --dont six pour "complicité d'assassinat terroriste"-- figurent deux élèves de 14 et 15 ans du collège où il enseignait et un parent d'élève qui avait appelé sur Internet à la mobilisation après les cours de M. Paty sur la liberté d'expression.
Jihadiste en Syrie
Les derniers éléments de l'enquête établissent des contacts entre son meurtrier et un jihadiste russophone en Syrie, dont l'identité n'a pas été établie à ce stade, a expliqué à l'AFP une source proche du dossier.
Selon le Parisien, la personne en relation avec le meurtrier, localisée grâce à son adresse IP, serait basée à Idleb, considérée comme le dernier grand bastion jihadiste et rebelle dans le nord-ouest du pays.
Abdoullakh Anzorov, réfugié d'origine russe tchétchène, avait envoyé sur les réseaux sociaux, un message audio en russe hésitant après avoir posté la photo du professeur décapité.
Dans ce message ponctué d'épithètes coraniques, dont l'AFP a eu connaissance et qui a été authentifié par les enquêteurs, l'assaillant explique avoir "vengé le prophète", en reprochant à Samuel Paty de l'avoir "montré de manière insultante".
Ce message a été relayé dans une vidéo diffusée sur Instagram, notamment. Il était accompagné des deux tweets du meurtrier (dont l'un était la photo de la victime) dans lesquels il reconnaissait avoir tué Samuel Paty. Il contient aussi deux mots en russe faisant référence à l'organisation Etat islamique, selon une traduction de l'AFP.
Grenelle de l'éducation
Auditionné devant le Sénat jeudi matin, Jean-Michel Blanquer a indiqué que le rapport commandé auprès de l'Inspection générale de l'Education nationale pour établir l'enchaînement des faits au collège de Conflans-Sainte-Honorine devrait lui être remis "en début de semaine prochaine".
Dans l'après-midi, le lancement d'un "Grenelle de l'éducation" devrait mettre davantage les professeurs "au centre de la société" après l'assassinat de Samuel Paty qui a remis en lumière le difficile métier d'enseignant. Censé durer trois mois, il doit notamment déboucher sur une augmentation des salaires des enseignants ou encore sur des mesures de protection supplémentaires.
"Aujourd'hui, il y a un sujet de protection des professeurs mais aussi de reconnaissance des professeurs. Cette question existait avant et nous devons lui apporter une réponse, c'est pourquoi nous travaillons depuis plusieurs mois avec les organisations syndicales", avait annoncé mercredi M. Blanquer lors de la séance des questions au gouvernement au Sénat.
Le Grenelle de l'éducation "repose sur des mots clés, celui de la reconnaissance financière, la coopération, c'est-à-dire le travail en équipe, la modernisation et la protection", a détaillé le ministre.
"Le sursaut national doit nous conduire à considérer que le professeur est central dans notre société et que chacun d'entre nous dans notre vie de parent d'élève, de citoyen, doit respecter les professeurs et avoir des discours qui mettent le professeur au centre de notre société", a-t-il affirmé.
(Avec AFP)