"Vu le niveau, je n'ambitionne pas de faire un podium", tempère le père Ruffiot, abbé à Vesoul, qui à 45 ans concourt dans la catégorie "vétérans 1", réservée aux 40-50 ans. Mais si l'humilité est une vertu cardinale pour un prêtre, ses proches ne sont pas aussi catégoriques pour celui qui est quand même vice-champion de Bourgogne-Franche-Comté de sa classe d'âge.
Ainsi, Michel Mercet, son coiffeur, qui est aussi le portier de l'église Saint-Georges de Vesoul, semble croire au miracle : "Il est curé de Saint-Georges. Et savez-vous que Saint-Georges a terrassé le dragon avec son épée ?". Environ 1.500 athlètes croiseront le fer jusqu'à dimanche à Thionville, dont plusieurs champions olympiques.
"Je pratique l'escrime depuis une dizaine d'années, sport que j'ai découvert par hasard lors de mes études à Fribourg", en Suisse, confesse Franck Ruffiot, qui est vicaire épiscopal enseignant en faculté de théologie à Paris (en liturgie). "
Il existe trois armes à l'escrime : l'épée, le fleuret et le sabre. Si l'épée est sans doute l'arme la plus choisie en France, je préfère le fleuret qui permet, grâce à des règles conventionnelles de priorité, une sorte de dialogue entre les deux adversaires offrant un jeu de questions (les attaques) et de réponses (les parades)", détaille l'homme d'Eglise, fleuret dans une main, masque dans l'autre, qui regrette de ne pouvoir consacrer plus de temps à sa passion.
"Sport noble et exigeant"
"Ce sport, à la fois noble et exigeant, sait transmettre les belles valeurs de la combativité et du respect des adversaires, alliant stratégie, technicité des gestes et puissance physique", poursuit l'ecclésiastique, entré au séminaire à 23 ans et ordonné prêtre en 2008, à l'âge de 30 ans.
Une fois par semaine, l'abbé Franck Ruffiot, licencié au Cercle d'escrime de Rioz, à une vingtaine de kilomètres de Vesoul, troque sa chemise à col romain pour le tee-shirt et le survêtement avant d'aller écouter religieusement les conseils de son maître d'armes, Me Emmanuel Daguet. "Il m'est d'une aide précieuse et indispensable pour progresser", loue-t-il.
"L'ambiance dans ce club présidé par Cédric Lelu est vraiment excellente, tant chez les jeunes que chez les adultes. Il y règne une ambiance toujours très conviviale et sympathique", salue encore l'abbé Ruffiot, qui prêche pour ce sport "accessible à beaucoup, quels que soit son âge et son expérience sportive".
Le Cercle d'escrime riolais est d'ailleurs équipé pour accueillir des sportifs handisport. Les compétitions auxquelles il participe se comptent malheureusement sur les doigts d'une main : "Elles se déroulent le dimanche et ce jour-là il y a conflit d'intérêts, car je préside les offices", rappelle le prêtre, qui avec quatre confrères s'occupe d'un doyenné de 150 villages autour de Vesoul.
Moto et marathon
L'abbé Franck Ruffiot, arrivé à Vesoul en septembre 2020, est en tout cas un personnage atypique: "C'est un homme extraordinaire, mais tellement ordinaire", souligne Michel Mercet avant de rappeler que monsieur le curé se passionne aussi pour la moto et court le marathon.
"Ce n'est pas un homme d'Eglise traditionnel. Attentif à chacun et fidèle à sa foi, il incarne aussi les valeurs du sport et de la compétition", complète le maire de Vesoul, Alain Chrétien.
Originaire du Doubs, l'abbé Ruffiot est titulaire d'un master en liturgie obtenu en 2010 à l'Université catholique de Paris. Il est également devenu docteur en théologie après avoir préparé pendant cinq ans sa thèse en sciences liturgiques, consacrée au thème des préfaces, une des prières faisant partie de la messe. Mais dimanche ses fidèles devront pour une fois se passer de lui : à partir de 08h00 l'abbé Ruffiot entre en piste et, avec l'aide de la Providence, espère aller taquiner quelques champions à Thionville.
(AFP)