À Besançon, les députés du Doubs se font passer un savon par les agriculteurs : ”On va vous suivre à la culotte !”

Au lieu d’emmurer une permanence d’élu, la Fédération départementale des syndicats agricoles du Doubs et les Jeunes agriculteurs du Doubs, ont ”exigé” le dialogue à travers une rencontre avec les cinq députés du territoire ce lundi 9 décembre à la suite du vote de la motion de censure à l’Assemblée nationale mercredi dernier. Des échanges animés, sans tabou ni détour, se sont tenus dans une salle du Groupe rural du Doubs à Besançon.

Debout les bras croisés en veste verte : Christophe Chambon. À la table de gauche à droite : Mélanie Gruet, présidente des Jeunes agriculteurs, Florent Dornier, président de la FDSEA du Doubs, et Emeline Balandret, secrétaire générale de la FDSEA du Doubs. © Alexane Alfaro

Très en colère, ”et encore, le mot est faible” nous dit-on, une vingtaine d’agricultrices et d’agriculteurs, leurs représentants locaux de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs, ont convoqué les députés du Doubs au dialogue ce lundi après-midi. 

Les député(e)s présent(e)s étaient Laurent Croizier (1re circonscription - Modem), Nathan Sourisseau, représentant Dominique Voynet retenue en Rhône-Alpes (2e circonscription - Nouveau front populaire), Matthieu Bloch (3e circonscription - Union des droites), Géraldine Grangier (4e circonscription - Rassemblement national) et Éric Liégeon (5e circonscription - Les Républicains). 

Laurent Croizier, Éric Liégeon, Matthieu Bloch et Géraldine Grangier. © Alexane Alfaro

Assis autour d’une table, ils ont dû répondre aux questions, aux observations, aux vives critiques, aux sentiments des agriculteurs, dont Florent Dornier, président de la FDSEA du Doubs, Emeline Balandret, secrétaire générale de la FDSEA du Doubs, Mélanie Gruet, présidente des Jeunes agriculteurs, et Christophe Chambon, présidente de la FRSEA Bourgogne Franche-Comté et secrétaire général de la FNSEA, qui ont mené un dialogue ”apolitique” comme l’a rappelé plusieurs fois ce dernier.

© Alexane Alfaro

”On a vraiment l’impression d’être pris pour des cons”

Lors des prises de parole des représentants syndicaux, les agriculteurs et agricultrices se sont exprimés sans détour pour tenter de rendre compte aux élu(e)s ce qu’ils vivent au quotidien, mais aussi sur les attitudes de certains députés à l’Assemblée nationale dernièrement (entre Nicolas Turquois du Modem, et Antoine Léaument de La France insoumise le 29 novembre) et encore davantage sur le vote de la motion de censure faisant démissionner le Premier ministre et l’ensemble de son gouvernement. Pourquoi ? Cette motion de censure votée par 381 député(e)s, ”va retarder toutes les avancées obtenues par les agriculteurs”, déplorent-ils au niveau national. 

À Besançon, Florent Dornier dans sa déclaration a, on peut le dire, passé un savon aux députés. ”Nous sommes véritablement en colère (…) et le plus choquant c’est de voir un hémicycle qui devient presque une cour de récréation : des sifflements, des huées, certains même en viennent aux mains, ça devient dramatique comme un pays comme le nôtre de voir aussi peu de prise de hauteur vu la fonction qui peut être la vôtre.

Depuis un an, les agriculteurs se mobilisent partout en France ”et sont venus s’accumuler des récoltes catastrophiques, une crise sanitaire hors norme, une instabilité politique qui, au mois de juin a mis la dissolution de l’Assemblée nationale alors qu’on avait travaillé tous ensemble sur une loi d‘orientation agricole. Nous sommes en colère puisque de juin à septembre, pendant que certains s’amusaient avec les Jeux olympiques, rien a été fait dans notre pays, il a fallu attendre mi-septembre pour voir un gouvernement, avec des mesures et des propositions, et là, il y a 4 jours, tout ce qui devait être accordé dans le cadre du projet de loi de finance 2025, tout ce qu’on avait pu attendre, tombe à l’eau (…)” 

Et de conclure : ”On a vraiment l’impression d’être pris pour des cons. (…) On en a marre d’entendre qu’on nous aime alors qu’on nous met des coups de poignard dans le dos.”

Une prise de parole à fleur de peau, celui d'Émeline Balandret, secrétaire générale de la FDSEA du Doubs :

Avec le boulot d’Annie Genevard, on est d’accord… - Tu l’as flinguée !”

En réponse aux propos préliminaires des représentants syndicaux, Laurent Croizier et Éric Liégeon étaient les moins visés parce qu’ils n’ont pas voté pour la motion de censure. Le député du Modem a affirmé sa volonté d’un ”accord de non-censure”, considéré comme ”la seule solution” par ses partisans pour sortir de la crise politique.

Matthieu Bloch de son côté a parlé de ”bal des hypocrites” suite aux propos de Croizier et Liégeon. ”On nous reproche aujourd’hui de censurer quelque chose qu’on dénonçait l’année dernière et qu’on chérit aujourd’hui. Moi je dis halte à l’hypocrisie.” L’élu a également parlé d’un ”budget de feignants sur lequel on ne fait aucune économie structurelle. (…)” puis en s’adressant à Christophe Chambon a déclaré : ” Je te garantis que les dispositions qui ont été prises, le boulot qu’a fait Annie Genevard va dans le bon sens, on est d’accord…”, et Laurent Croizier lui répond : ”Tu l’as flinguée !”. ”Non, je ne l’ai pas flinguée”, assure Bloch, ”Annie est une bonne ministre de l’Agriculture, si elle est reconduite je m’en réjouirai, les mesures qu’elle propose, on les votera, toutes sans exception et sans hésiter, mais ce n’est pas pour ça qu’on doit tout accepter sur un budget.”

Si en arrivant dans la salle Géraldine Grangier a affirmé qu’elle ne ferait pas de déclaration en ajoutant avoir eu l’impression de tomber dans un "guet-apens", elle a finalement réagi en premier lieu sur la manière des syndicats d’”exiger” une rencontre avec les député(e)s : ”J’ai été assez choquée par la façon dont vous nous avons convoqués. Si on souhaite le dialogue, on n’exige pas parce que vous savez en plus que vous avez en face de vous des députés qui peuvent être dans le dialogue, on s’est déjà rencontrés (…) Vous nous avez convoqués pour échanger avec vous, je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant de journalistes, avouez ma surprise et ma colère face à ça.” Après cette mise au point, la députée a lu un courrier qu’elle avait envoyé quelques jours auparavant aux syndicats.

Quand et comment ?”

Après avoir écouté chaque député défendre leur prise de position et leur vote pour la motion de censure de certains, la question leur a été posée : ”Quand et comment ?” a martelé Florent Dornier afin que les élus répondent clairement. Tout le monde semble d’accord pour que ce soit ”le plus tôt possible” comme l’a répété plusieurs fois Géraldine Grangier. Laurent Croizier a précisé qu’il serait prêt, avec ses collègues, ”de siéger entre Noël et Nouvel an”. Matthieu Bloch a affirmé : ”on sera extrêmement constructifs”. 

En conclusion, Florent Dornier a assurer : "On va vous tenir à la culotte !" en faisant comprendre aux députés que si rien n'est fait rapidement dès qu'un gouvernement sera constitué, le dialogue se transformera peut-être en actions plus concrètes.

L’intégralité des échanges et des réactions à écouter :

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